Au Soudan, le puissant chef militaire «Hemetti» dévoile ses ambitions politiques

Au Soudan, le puissant chef militaire «Hemetti» dévoile ses ambitions politiques

Dans une interview hier soir à la BBC, Mohamed Hamdan Daglo, surnommé « Hemetti », a déclaré qu’il ne voulait pas se présenter aux élections de 2023. Mais il pourrait revoir sa position si la situation du pays continuait à s’aggraver.

« Le putsch d’octobre a échoué. Nous avons échoué à amener le changement. La situation n’a fait qu’empirer », a déclaré « Hemetti » depuis El Geneina, au Darfour. Des propos qui tranchent par leur franchise, mais qui sont loin d’être innocents, car depuis longtemps le chef des forces de soutien rapide (RSF) façonne son image de leader et de faiseur de paix. « Hemetti » est le numéro deux du Conseil de souveraineté, l’organe qui dirige le pays et composé uniquement de militaires, notamment depuis le coup d’État d’octobre dernier. Il dirige aussi les RSF depuis 2013. Les paramilitaires sont accusés de crimes sanglants au Darfour durant la guerre civile, et de multiples exactions au fil des années dans le pays.

« Je n’ai pas pour ambition de me présenter aux élections. Mais si on voit que le Soudan se dirige vers le gouffre, on sera là, on fait partie du peuple soudanais », a-t-il ainsi confié, dévoilant pour la première fois des ambitions politiques.

Or depuis des mois, « Hemetti » soigne ses relations publiques et sa stature. Il est officiellement parti s’installer au Darfour pour sceller des accords de réconciliation entre tribus arabes et non arabes. Il s’est engagé à payer de sa poche des compensations pour les familles de victimes. Il a aussi promis la création d’un fonds spécial pour garantir le retour des déplacés.

Certains estiment qu’avec son influence et sa fortune, il représente un candidat sérieux. Mais d’autres le haïssent. Si certains interprètent son activisme et ses promesses comme une opération de communication, d’autres y voient une façon de prouver son influence, voire de se montrer indispensable à la stabilité du pays.

Le chercheur Jérôme Tubiana, spécialiste du Soudan, n’est pas surpris par les propos du chef de guerre : « Il joue déjà un rôle politique, un rôle militaire, un rôle économique important. »

Si ce n’est pas réaliste, c’est d’abord parce qu’il ne fait pas parti de l’élite traditionnelle soudanaise, il n’est pas éduqué, il n’est pas du centre du pays, il est du Darfour et jamais aucun Darfourien n’a dirigé ce pays

RFI