La mort de Shireen Abu Akleh, journaliste d’Al Jazeera, tuée hier mercredi d’une balle dans la tête à Jénine, suscite une très vive émotion car sa voix et son visage, étaient connus de la plupart des Palestiniens. Les circonstances de sa mort, en plein reportage sur une opération militaire israélienne dans le camp de Jénine, en Cisjordanie occupée, posent aussi question. La chaîne qatarienne et les autorités palestiniennes accusent l’armée israélienne et demandent une enquête internationale. Israël, qui a pointé la possible responsabilité de groupes palestiniens, propose une enquête conjointe. Le ministre de la Défense, Benny Gantz a semblé hier moins affirmatif que les toutes premières déclarations du gouvernement israélien.
Benny Gantz a affirmé que l’armée « n’était pas certaine de la manière dont elle a été tuée » : impossible de déterminer les circonstances de la mort de Shireen Abu Akleh, c’est le ministre israélien de la défense qui le souligne. Benny Gantz infléchit ainsi la version officielle israélienne. A ce stade les autorités israéliennes réclament la balle qui a tué la journaliste palestino-américaine pour pouvoir réaliser un examen balistique, rapporte notre correspondant à Jérusalem, Michel Paul. Elles proposent que des experts palestiniens et américains soient présents lors de cet examen.
Israël exprime ses regrets. Trop tard et pas assez, estiment nombre de commentateurs. L’éditorialiste de Haaretz, le journal de la gauche en Israël affirme que seule une enquête internationale permettra d’obtenir des conclusions crédibles. Mais tout le monde n’est pas d’accord avec cette approche : dans cette guerre des versions la réalité ne joue qu’un rôle secondaire, estime un journaliste. Il ne faut pas se hâter de présenter des excuses, proclame un chroniqueur.
La version palestinienne est qualifiée de pure propagande. La mort de la journaliste va devenir une excuse à des attaques terroristes contre Israël , souligne le Jerusalem Post. Mais aussi sur une note plus optimiste, de nombreux journalistes israéliens relatent les relations professionnelles et chaleureuses qu’ils ont entretenues avec Shireen.
Les obsèques de la journaliste se tiennent ce jeudi à Jérusalem-Est. Des dizaines de milliers de personnes y sont attendues et un hommage national lui est rendu à Ramallah, à la Muqataa, le palais présidentiel, rapporte notre correspondante dans les Territoires palestiniens Alice Froussard. Hommage parce que Shireen Abu Akleh était une icone palestinienne, une icône du journalisme extrêmement connue des Palestiniens mais aussi dans tout le monde arabe…
Elle rapportait inlassablement la moindre information, de Jérusalem, à Gaza, en passant par la Cisjordanie occupée, et se rendait souvent à Jénine depuis les deux derniers mois. « Elle n’a jamais reculé, n’avait pas peur… nous a confié hier un journaliste palestinien, présentateur pour Palestine TV. c’est elle qui donnait une voix aux sans voix, qui allait voir les familles des martyrs, des blessés, des prisonniers… qui recueillait les preuves, documentait les crimes ». C’est aussi toute une génération de Palestiniens – tous les moins de 30 ans – qui a grandi avec son visage à la télévision, ses reportages et sa signature emblématique.
A Ramallah, des photos de Shireen Abu Akleh sont affichées sur les murs, le panneau de publicité qui orne la place al-Manara diffuse désormais son portrait et l’inscription « au revoir Shereen », et des drapeaux noirs ont été hissés sur la terrasse des locaux d’Al Jazeera, à proximité, ainsi qu’une immense banderole en hommage à la journaliste.
Avec RFI