Comment des négociateurs de la gendarmerie sensibilisent les élus locaux à la gestion des incivilités

Comment des négociateurs de la gendarmerie sensibilisent les élus locaux à la gestion des incivilités
L’adjudant Sébastien A. et le maréchal des logis-chef Cyril B. expliquent à des élus comment  »désamorcer un conflit » pacifiquement — Thibaut Chevillard
  • En 2020, les agressions, menaces et insultes envers les élus ont été multipliées par trois. Plus de 500 maires ou adjoints et 60 parlementaires ont été agressés physiquement en 2020, selon l’AMF.
  • Pour les aider gérer les incivilités, la gendarmerie a développé, avec l’aide du GIGN, une formation dispensée depuis février un peu partout en France.
  • « 20 Minutes » a pu assiter à l’une d’elles à Magny-les-Hameaux (Yvelines.)

Les situations de crise, ça les connaît. Formés par le GIGN, les deux négociateurs de la
gendarmerie sont quotidiennement confrontés à des forcenés, des preneurs d’otages ou des personnes suicidaires. Mais ce mercredi, dans une salle prêtée par la municipalité de Magny-les-Hameaux (
Yvelines), c’est face à une petite dizaine d’élus que l’adjudant Sébastien A. et le maréchal des logis-chef Cyril B. interviennent. Au programme : une 
formation à la « gestion pacifique des incivilités ». Lancé en février dernier, ce dispositif a été mis en place par la gendarmerie, qui a observé « une augmentation assez importante d’altercations ou d’incivilités envers les élus », explique Sébastien A.. En Ile-de-France, une première formation a été dispensée il y a un mois et demi.

Les exemples ne manquent pas. Isabelle Margot-Jacq, adjointe au maire de Bullion, n’a certes jamais connu de conflits qui en soient « venus aux mains ». Mais des « discussions un peu chaudes », ça arrive régulièrement. A Thoiry, l’adjointe Anne Frelaut-N’Diaye reconnaît que les « noms d’oiseaux » peuvent fuser lorsqu’il faut intervenir à l’occasion d’un « problème de voisinage » ou signaler à un automobiliste qu’il est mal stationné. Des situations qui peuvent être « un peu compliquées » à gérer pour les élus locaux, reconnaît-elle. « Nous ne sommes pas des pros ! »

« Si vous ne vous sentez pas en sécurité, vous n’intervenez pas »

Alors durant deux heures, les gendarmes vont leur donner quelques techniques pour « désamorcer un conflit » et « gérer pacifiquement toutes les crises, sans violence », souligne l’adjudant Sébastien A.. La première chose à faire, quand un élu est sollicité, c’est d’analyser la situation pour savoir s’il doit intervenir. « Si vous ne vous sentez pas en sécurité, vous n’intervenez pas et vous faites le 17 », insiste le négociateur de la gendarmerie. Lorsqu’une « petite manifestation » est organisée devant une mairie, il est important de « repérer et d’identifier le meneur, le fauteur de troubles » et de « l’isoler » pour « le faire redescendre » et instaurer « un dialogue », poursuit le maréchal des logis-chef Cyril B.. 

Il faut ensuite, dit-il, se « synchroniser » avec cette personne. « On se regarde dans les yeux, on n’essaie pas de prendre le dessus sur elle, de se mettre plus haut qu’elle. Il faut vraiment se mettre à son niveau. » L’objectif est de « susciter de l’empathie et de créer un lien de confiance avec elle ». Surtout, poursuit le gendarme, « écouter est ce qu’il y a de plus important pour désamorcer un conflit ». Les formateurs listent ensuite les erreurs à éviter. « Ne promettez rien, avertit le maréchal des logis-chef. Vous suggérer des choses, vous amenez peut-être une solution. » Il faut aussi éviter à tout prix d’« humilier la personne », de « rectifier les erreurs », de « donner des conseils personnels », d’« être menaçant » ou de « porter des jugements », complète l’adjudant Sébastien A..  

«Quand je suis énervée, je suis en situation de faiblesse »

Maire de Lévis-Saint-Nom, Anne Grignon voudrait savoir comment mieux gérer le stress. « Quand je suis énervée, je suis en situation de faiblesse », explique-t-elle. « Une fois, je me baladais en forêt. Une motocross est passée, puis une deuxième. Pour la troisième, je n’ai pas bougé, je suis restée devant lui. J’étais énervée, le monsieur en face de moi encore plus. Il m’a demandé de bouger… et, à la fin, il m’a craché dessus. » Sébastien A. rappelle « qu’à partir du moment où il y a une difficulté, il faut reculer et faire le 17 ». « Est-ce que ça vaut le coup de se faire cracher dessus ? La réponse est non… » 

La formation se termine par un cas pratique. A tour de rôle, les élus se mettent dans la peau d’un maire confronté à un administré énervé et tentent d’appliquer les conseils distillés par les gendarmes.

Bilan ? « Il y a beaucoup de choses que l’on connaît ou qui relèvent du bon sens, mais ça ne mange pas de pain de les rappeler », note Anne Frelaut-N’Diaye, qui a trouvé la formation « plutôt pas mal ». Après l’été, la gendarmerie entend mettre en place de nouvelles formations à destination des élus. Elles concerneront cette fois les questions de cybersécurité.

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