Au sein même du parti présidentiel, plusieurs voix s’élèvent contre l’attitude du chef de l’Etat pendant la campagne électorale : il n’a jamais adoubé publiquement son propre candidat.
Le président sénégalais Macky Sall à Bruxelles, le 25 octobre 2023. JOHANNA GERON / REUTERS
Il a été le personnage central de cette élection à laquelle il ne concourrait pas, une ombre planant sur un scrutin en forme de référendum sur son bilan à la tête du Sénégal. Macky Sall a certes renoncé, en juillet 2023, à briguer un troisième mandat, mais nombreux dans son propre camp voient en lui le premier responsable de la défaite d’Amadou Ba, son ancien premier ministre qu’il avait choisi pour lui succéder, face à Bassirou Diomaye Faye, un novice en politique, tout juste sorti de prison pour triompher à l’élection du 24 mars.
Tant par loyauté que par crainte, les critiques contre cet « omniprésident » ont longtemps été tues. Il est toujours à la tête du parti Alliance pour la Répubique (APR) et de la coalition qui domine l’Assemblée depuis douze ans. Mais, au crépuscule de son règne, les langues se délient pour autopsier le cataclysme électoral.
Lire aussi | Sénégal : une victoire, un coup de tonnerre et un avertissement
« Le président a joué contre son propre camp, s’étrangle un responsable d’une section nationale du parti, encore hébété par le raz-de-marée qui a emporté leur candidat, Amadou Ba. Sur le papier, cette élection était imperdable. Nous avions l’appareil d’Etat, l’argent, le rouleau compresseur de notre coalition et un bilan matériel élogieux. Qu’avait-il à saboter notre candidat, alors même qu’il l’a choisi ? »
En effet, depuis début février et le report de l’élection, initialement fixée le 25 de ce même mois, la mouvance présidentielle semble sans boussole tant les actes du chef de l’Etat l’ont dérouté. Pourquoi, à dix jours du scrutin, a-t-il fait libérer de prison son opposant le plus virulent, Ousmane Sonko, et son second, Bassirou Diomaye Faye, prétendant à l’élection, à la faveur d’une loi d’amnistie qu’il a suscitée ? Pourquoi ne s’est-il jamais affiché aux côtés de son candidat lors des meetings ? « Macky Sall est totalement responsable de notre débâcle. Il n’a jamais eu un seul mot d’encouragement en public pour Amadou Ba. Etait-ce si difficile de dire aux Sénégalais : “Je suis fier de lui ! Votez pour lui !” ? », se désole Ibrahima, un militant rencontré au siège de l’APR.
Amadou Ba a encaissé les coups
Ce technocrate, qui fut ministre de l’économie et des finances puis ministre des affaires étrangères avant de devenir chef du gouvernement, Macky Sall l’a adoubé en septembre pour représenter sa coalition. Un choix de raison alors que le cœur du chef de l’Etat aurait plutôt penché pour Abdoulaye Daouda Diallo, homme de confiance placé à la tête du Conseil économique, social et environnemental, ou son ancien premier ministre Mahammed Boun Abdallah Dionne.
Source:le monde